Aller au contenu

Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 7, 1797.djvu/275

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

semblable que c’est dans cet état d’anéantissement que la vertu fait un dernier effort en nous, soit que notre épuisement nous mette dans cette situation de faiblesse où sa voix reprend son empire, soit que par une inconstance naturelle, nous voulions, ennuyés de crimes, essayer un peu du contraire ; toujours est-il qu’il est un moment où les préjugés reparaissent, et s’ils triomphent lorsqu’on a pris la route du vice, assurément ils nous rendent bien malheureux ; il n’est rien de pis que les retours. Les événemens que je vais raconter vous convaincront de cette assertion.

Je venais d’atteindre ma vingt-deuxième année, lorsque Saint-Fond me fit part d’un projet exécrable. Toujours entiché de ses vues de dépopulation, il s’agissait de faire mourir de faim les deux tiers de la France, par d’affreux accaparemens. Je devais avoir la plus grande part à l’exécution de ce dessein. Je l’avoue, toute corrompue que j’étais, l’idée me fit frémir ; funeste mouvement que vous me coûtâtes cher, pourquoi ne pus-je vous vaincre ! Saint-Fond qui le surprit, se retira sans dire un mot ; et comme il était tard, je me couchai ; je