Aller au contenu

Page:Sade - Les crimes de l'amour, Nouvelles héroïques et tragiques, tome 3, 1799.djvu/202

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

a-t-il entre celle-là et celle de la mort ? On dirait en quittant ce qu’on aime, que le cœur se brise, ou s’arrache ; nos organes, pour ainsi dire enchaînés à l’objet chéri dont on s’éloigne, paraissent se flétrir en ce moment cruel ; on veut fuir, on revient, on se quitte, on s’embrasse, on ne peut se résoudre ; le faut-il à la fin, toutes nos facultés s’anéantissent, c’est le principe même de notre vie qu’il semble que nous abandonnions, ce qui reste est inanimé, ce n’est plus que dans l’objet qui se sépare, qu’est encore pour nous l’existence.

On avait décidé de monter en voiture en sortant de table, Ernestine jette les yeux sur son amant, elle le voit en pleurs, son âme se déchire… Ô mon père, s’écrie-t-elle en fondant en larmes, voyez le sacrifice que je vous fais, et se rejetant dans les bras d’Herman, toi que je n’ai jamais cessé d’aimer, lui dit-elle, toi que j’adorerai jusqu’au tombeau, reçois en présence de mon père le serment que je te fais de n’être jamais qu’à toi ; écris-moi, pense à moi, n’é-