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Page:Sade - Les crimes de l'amour, Nouvelles héroïques et tragiques, tome 3, 1799.djvu/48

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et jaloux de ce mauvais père, ne voyait pas sans une sombre envie, tant de belles qualités chez Antonio ; et dans la crainte d’en être éclipsé tôt ou tard, bien loin de les encourager, il ne tâchait qu’à les flétrir. Ces procédés n’eurent heureusement point de suite, l’excellent naturel d’Antonio le mit à l’abri des séductions de Charles ; il sut distinguer les crimes de son père et les haïr, sans cesser d’aimer celui que ces vices souillaient ; mais sa trop grande confiance, le rendit néanmoins quelquefois dupe d’un homme, qu’il devait à la fois chérir et mésestimer ; le cœur l’emporta souvent sur l’esprit, et voilà ce qui rend les mauvais conseils d’un père si dangereux ; ils séduisent le cœur en domptant la raison, ils s’emparent à la fois de toutes les qualités de l’âme, et l’on est déjà corrompu, croyant n’avoir fait qu’aimer ou qu’obéir.

« Mon fils, disait un jour Charles à Antonio, le vrai bonheur n’est point où l’on vous le dit ; qu’attendez-vous de ce vain éclat du parti des armes, où votre