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Page:Saint-Point - L’Orbe pâle, 1911.djvu/51

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Ce soir, au clair de lune, j’ai cueilli le sanglant géranium. Je l’ai piqué royalement parmi les blancheurs symboliques qui évoquent si pâlement Bellone, Vénus, Perséphone ! Et cette nuit, la couleur de sang qui symbolise ma gloire, mon amour et ma mort, triomphe sous la lune qui ne l’éteint pas.

Le bouquet a son orgueil, comme moi-même ; l’orgueil qui veille et que la lune ne vainc pas.

La sauterelle petite et frêle, immobile depuis qu’elle fut cueillie, respirera cette nuit l’âcre odeur du soleil, comme moi celle du désir.

L’attente se colore. Viendrait-elle l’heure rouge, éclore les géraniums du désir, sous la lune ?

Tandis que parmi toutes les pâleurs, éblouissant la gloire, l’amour et la mort, s’épanouira, au soleil chaud du Désir en domptant la nuit lunaire, la somptueuse et vibrante et enivrante Rose rouge.