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Page:Sainte-Beuve - Causeries du lundi, I, 3e éd, 1857.djvu/358

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leur ai donné l’espoir de tout obtenir ; car comment pouvais-je savoir, ô héros illustre, que je périrais de la main de mon père ?… Je voyais les signes que ma mère m’avait indiqués, mais je n’en croyais pas mes yeux. Mon sort était écrit au-dessus de ma tête, et je devais mourir de la main de mon père. Je suis venu comme la foudre, je m’en vais comme le vent ; peut-être que je te retrouverai heureux dans le ciel ! »

Ainsi parle en expirant cet autre Hippolyte, immolé ici de la main de Thésée.

La moralité que tire le poëte de cette histoire pleine de larmes est tout antique, tout orientale. Malgré la colère que ce récit inspire involontairement contre Roustem, le poëte n’accuse personne :

« Le souffle de la mort, dit-il, est comme un feu dévorant : il n’épargne ni la jeunesse ni la vieillesse. Pourquoi donc les jeunes gens se réjouiraient-ils, puisque la vieillesse n’est pas la seule cause de la mort ? Il faut partir, et sans tarder, quand la mort pousse le cheval de la destinée ! »

Pour moi, la moralité que je déduirai ici sera à la moderne, tout étroite et toute positive : c’est qu’il convient que l’impression de ce grand livre où se trouve ce bel épisode, et d’autres épisodes encore, se remette en train au plus vite et s’achève, et que les contrariétés, les ennuis qui, il y a huit cents ans, sous le régime du sultan Mahmoud, ont traversé la vie et l’œuvre du poëte Ferdousi, ne continuent pas aujourd’hui de le poursuivre dans la personne de son savant éditeur et traducteur, qui mérite à la fois si bien et de lui et de nous.