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Page:Sainte-Beuve - Causeries du lundi, I, 3e éd, 1857.djvu/417

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peu maigre peut-être, mais qui repose de la diffusion des couleurs et qui satisfait l’œil de l’esprit[1].

Pariset eut à louer Cuvier lui-même après la mort du grand naturaliste, et cet Éloge offre d’intéressantes, de belles parties. Mais, si immense que fût le sujet, Pariset n’a pas eu la force de s’y renfermer. À un certain moment sa propre imagination s’échappe ; il ne voit dans le vaste spectacle des révolutions du globe qu’un thème à variations. Son lyrisme l’emporte : il essaie lui-même à tout hasard son hypothèse, il nous trace un tableau de la dernière grande catastrophe dont le globe a été le théâtre. Puis, tout à coup, il s’écrie presque comme le poëte classique éperdu : Qui suis-je ? où vais-je ? car il sent bien qu’il est allé trop loin : « Je viens, dit-il, de parler sans mon guide, et d’exposer des idées qui, bien que liées au sujet que je traite, n’étaient peut-être pas dans le sage esprit de Cuvier. » Et c’est précisément parce que rien ne ressemble moins au procédé de Cuvier, que, dans un Éloge de ce dernier, il eût été du plus simple bon goût de s’en abstenir.

Mais c’est assez insister sur les défauts d’un talent distingué, dont les Éloges, après tout ce qu’on en peut dire, gardent de leur utilité et même de leur charme. En les recueillant avec ce soin et cette correction dans une édition à la fois compacte et élégante, M. Dubois (d’Amiens) a rendu un service à la littérature, en même temps qu’il croyait n’accomplir qu’un devoir envers sa Compagnie. Il nous promet de recueillir dans deux publications prochaines les Éloges, jusqu’ici incomplets, de Vicq-d’Azyr, et les Éloges, inédits presque tous, du

  1. Sur les Éloges de Cuvier et sur ceux des autres Secrétaires perpétuels de l’Académie des Sciences, ou peut lire les premières pages d’un très-bon article de M. Biot dans le Journal des Savants (novembre 1842).