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Page:Sainte-Beuve - Poésies 1863.djvu/458

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PENSÉES D’AOÛT.

Comme si ce grand nom que toute foule adore
Jusqu’au vallon de paix devait régner encore !…
M’asseyant là, moi-même à l’âge où mon soleil,
Où mon été décline, à la saison pareil ;
À l’âge où l’on s’est dit dans la fête où l’on passe :
« La moitié, sans mentir, est plus jeune et nous chasse ; »
— Rêvant donc, j’interroge, au tournant des hameaux,
La vie humaine entière, et son vide et ses maux ;
Si peu de bons recours où, lassé, l’on s’appuie ;
Où, la jeune chaleur trop tôt évanouie,
On puise le désir et la force d’aller,
De croire au bien encor, de savoir s’immoler
Pour quelqu’un hors de soi, pour quelque chose belle.
Aux champs, à voir le sol nourricier et fidèle,
Et cet ensemble uni d’accords réjouissants,
Comment désespérer ? Et pourtant, je le sens,
Le mal, l’ambition, la ruse et le mensonge,
Faux honneur, vertu fausse, et que souvent prolonge
L’histoire ambitieuse autant que le César,
Grands et petits calculs coupés de maint hasard,
Voilà ce qui gouverne et la ville et le monde.
Où donc sauver du bien l’arche sainte sur l’onde ?
Où sauver la semence ? En quel coin se ranger ?
Et quel sens a la vie en ce triste danger ?
Surtout le premier feu passé de la jeunesse,
Son foyer dissipé de rêve et de promesse,
Après l’expérience et le mal bien connu,
Que faire ? Où reporter son effort soutenu ?
Durant cette partie aride et monotone
Qui, bien avant l’hiver, dès le premier automne
Commence dans la vie ; et quand par pauvreté,
Malheur, faute (oh ! je sais plus d’un sort arrêté),
Tout espoir de choisir la chaste jeune fille
Et de recommencer sa seconde famille