Aller au contenu

Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t2, 1878.djvu/163

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
153
LIVRE DEUXIÈME.

lumineux (tout ceci s’applique sensiblement à Arnauld), mais plus capables de pousser les choses à l’extrémité que de tenir le raisonnement sur le penchant, et plus propres à commettre ensemble les vérités chrétiennes qu’à les réduire à leur unité naturelle…[1] Cependant les esprits s’émeuvent et les choses se mêlent de plus en plus. Ce parti, zélé et puissant, charmoit du moins agréablement, s’il n’emportoit tout à fait la fleur de l’École et de la jeunesse. »

Comme cela encore est bien dit et embellit en courant, embaume presque d’une fleur sobre et rapide ces sombres bancs sorboniques ! Poursuivant le fond, Bossuet préconise l’extrait donné des cinq Propositions, et nous le présente en termes pondérés comme une vraie quintessence :

« … Aucun n’étoit mieux instruit (que le docteur Cornet toujours) du point décisif de la question. Il connoissoit très parfaitement et les confins et les bornes de toutes les opinions de l’École, jusqu’où elles couroient et où elles commençoient à se séparer… C’est de cette expérience, de cette connoissance exquise, et du concert des meilleurs cerveaux de Sorbonne, que nous est né l’extrait de ces cinq Propositions,[2] qui sont comme les justes limites par lesquelles la vérité est séparée de l’erreur ; et qui, étant, pour ainsi parler, le caractère propre et singulier des nouvelles opinions, ont donné le moyen à tous les autres de courir unanimement contre leurs nouveautés inouïes. … »

Bossuet, sauf les mesures de langage, pensa toujours de même sur les cinq Propositions. Plus tard, dans sa Lettre au maréchal de Bellefonds, il déclare qu’elles se

  1. On comprend pourquoi je cite au long Bossuet : il est de telles expressions qui résument si pleinement, qu’elles ne sauraient se suppléer ; dites une fois, il faut en passer par elles.
  2. Et tout au contraire : « Nous voici arrivés enfin à l’enfantement monstrueux de l’esprit de M. Cornet…, » écrivait le docteur Hermant en commençant le chap. I, liv. V, de son Histoire (manuscrite) du Jansénisme. Chaque chose ici-bas a deux noms : le troisième, qui est le vrai, s’il existe quelque part, n’est qu’en Dieu. Le chercher et parfois le deviner est le plaisir du sage.