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Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t2, 1878.djvu/168

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PORT-ROYAL.

Fleury, il est juste de le remarquer, écrivait ces choses en 1717, c’est-à-dire quand déjà presque toutes les mauvaises conséquences du Jansénisme étaient sorties et que les bonnes étaient épuisées.

Je pourrais multiplier les citations et montrer, dès la fin du dix-septième siècle ou même auparavant, la révolution, la réforme augustinienne, tentée par Jansénius et Saint-Cyran, comme à jamais perdue en principe, et un préjugé universel élevé contre elle de la part des plus illustres défenseurs de l’Église, de la part de ceux même qui avaient pris de cette réforme la morale sévère et bien des prescriptions pratiques. Irai-je jusqu’à dire que la théologie régnante était alors devenue, par une sorte de réaction, formellement ou insensiblement Semi-Pélagienne ? Je trouve, dans un Éloge de l’aimable et ingénieux Fléchier par l’abbé Du Jarry, un mot qui me paraît le naïf du genre, et qui a pu être écrit d’un prélat par un prêtre sans choquer personne. Il s’agit des qualités toutes tempérées et de la nature bénigne de Fléchier : « Il reçut du Ciel, avec un esprit incomparable, dit le panégyriste, ce naturel heureux que le sage met au rang des plus grands biens, et qui tient peu du funeste héritage de notre premier père.[1] » Qu’aurait dit, je vous le demande, saint Augustin en lisant cet éloge d’un évêque ? comme si le

    core que le Pape soit reconnu pour le supérieur dans les choses spirituelles, néanmoins en France la puissance absolue et infinie n’a point de lieu, mais est retenue et bornée par les Canons et règles des anciens Conciles de l’Église reçus en ce royaume. » Le Jansénisme est tout autre chose. Les docteurs de Launoi, de Sainte-Beuve (surtout ce dernier), voilà, au dix-septième siècle, les vrais canonistes et sorbonistes qui, tout en étant plutôt favorables aux Jansénistes qu’à leurs adversaires, se tinrent encore dans la pleine voie gallicane. Les Jansénistes les tirent de leur côté, mais l’exemple de Hallier et de Fleury avertit de ne pas se laisser prendre au voisinage et de ne pas les confondre.

  1. Nemo de suo habet nisi mendacium et peccatum, personne n’a de soi-même que mensonge et péché, a dit le deuxième Concile d’Orange.