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Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t2, 1878.djvu/169

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LIVRE DEUXIÈME.

plus ou moins de tempérament dans le naturel et dans les passions faisait quelque chose, quand le principe même n’est pas régénéré ? comme si Fontenelle, par exemple, dans sa froide finesse et sa tiède indifférence, était plus près d’être Chrétien que les natures impétueuses et bouillantes d’un M. Le Maître ou d’un Rancé ! Quand on en est venu à écrire ce mot de l’abbé Du Jarry, on a oublié le dogme fondamental du Christianisme. Eh bien ! cela ne choquait pas, tandis que saint Augustin, rendu dans sa substance pure, aurait choqué.[1]

Le train du temps, les doctrines excessives imputées à Jansénius et la pente où l’on glissait en les fuyant, menaient là ; en repoussant la secte, on se jetait dans le siècle, et on y dérivait. On arriva ainsi en 89 avec un Clergé en partie dissous, en partie réfractaire. Jansénius, au dix-huitième siècle, était remplacé par Quesnel, et même parmi les combattants on ne le lisait guère plus. Mais le préjugé contre lui régnait et dominait les secondes disputes. Et si on l’avait lu, l’aurait on mieux jugé ? serait-on revenu sur son compte ? J’en doute. Car, si j’ai tâché de dégager ici ce que j’ai presque appelé (Dieu me le pardonne !) ses beautés, je n’ai certainement pas assez dit combien, forme et fond, et le siècle de Louis XIV ayant passé dessus, il était nécessairement devenu illisible, combien il s’était assombri, et à quel point il eût dû, en somme, paraître à tous prolixe, d’un latin ardu, insatiable et lourd de preuves, les offrant souvent blessantes, encore plus massives, en tout le contraire de Pascal et de ce goût dominant comme créé par Pascal contre le Jansénisme même.

Et à ce propos, pour clore la matière en la variant, pour montrer aussi, de la part des nôtres, un dernier choc à l’idée courante, je n’ai plus qu’un trait à fournir ;

  1. Œuvres complètes de Fléchier, tome I, p. XCIV.