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Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t2, 1878.djvu/198

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PORT-ROYAL.

de plume du fond des asiles. Depuis ce mois de mars 1644, il va éviter de se montrer durant plusieurs années. On le retrouve dans un demi-jour au monastère des Champs, en 1648. Il s’éclipse de nouveau en 1656, pour ne reparaître qu’à la Paix de l’Église en 1668. Après un lumineux intervalle, il s’évanouit encore en 1679, pour rester invisible jusqu’à l’heure de sa mort en 1694 ; et sa tombe elle-même fuit les regards. Voilà, de compte fait, trente et un ans cachés sur cinquante, durant lesquels pourtant il n’est bruit que de lui. Il grandissait singulièrement dans les imaginations par ce mélange d’éclat et de mystère.

Au moment de s’ensevelir dans la retraite, il lançait contre la nuée d’in-quarto soulevés à son sujet, le livre de la Tradition de l’Église sur la Pénitence et la Communion, lequel n’est guère qu’un tissu des textes des Pères, traduits par M. Le Maître, mais dont la Préface, de sa façon, qui forme tout un ouvrage, ripostait avec force au Père Petau et arrachait, si l’on s’en souvient, de si grandes admirations à Balzac.[1]

Une censure restait à craindre du côté de l’Inquisition romaine, si personne n’y appuyait l’ouvrage déféré et inculpé par les Jésuites. Les Évêques approbateurs y avisèrent ; leur nombre s’était encore accru depuis la première édition, et allait jusqu’à vingt : ils députèrent à Rome en 1645, comme leur procureur en titre et comme avocat officiel du livre, M. Bourgeois, docteur de Sorbonne, et celui-ci réussit à le faire absoudre par le Saint-Office, sans pouvoir rapporter toutefois de témoignage écrit, ce qui eût été contre les formes du tribunal. Il a laissé de son voyage une modeste et judicieuse Relation. Parmi les appuis et protecteurs qu’il trouva dans le monde romain, c’est justice à nous de mention-

  1. Au chapitre VIII de ce livre, p. 68.