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Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t2, 1878.djvu/199

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LIVRE DEUXIÈME.

ner le cardinal de Lugo, qui, bien que jésuite et l’un des Censeurs de l’Augustin d’Ypres, se prononça hautement pour l’ouvrage d’Arnauld, et qui même avait appris le français tout exprès pour être en état de le lire.

Ainsi, chose remarquable ! nous aboutissons, pour ce livre de la Fréquente Communion, à un résultat à peu près inverse de celui que nous avons obtenu pour le livre de Jansénius. Dans l’affaire spéculative de la Grâce, le Jansénisme fut battu et condamné : dans l’affaire pratique de la Pénitence, qui concernait la discipline et touchait la morale, il s’en tira avec plus d’honneur et de fruit. Quant au fond même, les doctrines exprimées dans la Fréquente Communion s’accréditèrent en peu de temps chez tous ceux qui prenaient le Christianisme au sérieux, et qui souvent, d’ailleurs, ne gardaient pas moins leurs préventions contre le Jansénisme ; elles, devinrent, dans la belle moitié du siècle, la règle générale et appliquée. L’Assemblée du Clergé de 1657 faisait réimprimer à ses frais et répandre partout dans les diocèses les Instructions de saint Charles. « Ce qui est certain, écrivait Arnauld en 1686, c’est que les plus célèbres prédicateurs, même, Jésuites, se font honneur maintenant de louer en chaire le délai de l’absolution pour les péchés mortels d’habitude,… et plusieurs autres cas, et qu’il n’y en a plus qui osent parler contre. » Bourdaloue en particulier, le plus solide, le plus scrupuleux, le plus janséniste des Jésuites, et de qui l’on a pu dire que c’était Nicole éloquent[1] ; lui que Boileau associait et subordonnait à la fois si délicatement à son amitié pour le grand Arnauld en ces nobles vers :

Enfin, après Arnauld, ce fut l’illustre en France
Que j’admirai le plus et qui m’aima le mieux ;

  1. Madame Cornuel disait, il est vrai : « Le Père Bourdaloue surfait dans la chaire, mais dans le confessionnal il donne à bon compte. » Ce sont là de ces mots spirituels qui ne prouvent rien.