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Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t2, 1878.djvu/208

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PORT-ROYAL.

«Durant cet entre-temps arriva la mort du feu Roi, qui, après avoir longtemps langui, mourut le 14 mai, jour de l’Ascension, vers le midi, en l’an 1643. Nous en eûmes incontinent la nouvelle à Port-Royal de Paris par un billet de madame la princesse de Guemené, et je fus aussitôt envoyé pour en faire part à M. de Saint-Cyran, que je trouvai encore dans la salle avec quelques autres Messieurs qui demeuroient chez lui, ne faisant que sortir de diner. M. de Saint-Cyran levant les yeux au ciel adora Dieu. Ensuite, au lieu de s’amuser à causer sur cette nouvelle ou à s’entretenir des choses passées, et des vues que l’on pouvoit avoir de l’avenir, comme on fait d’ordinaire en de semblables rencontres, il nous fit prier Dieu pour lui (le feu Roi) et il ne se contenta pas d’un seul’’De Profundis, mais il nous fit dire les Vêpres des Morts, les Vigiles à neuf leçons et les Laudes, sans bouger de la place.»

Port-Royal, se sentant malicieusement provoqué à cet endroit, redoublait donc de soumission respectueuse et d’agenouillement. Sous la Fronde et après la Fronde, le soupçon et l’accusation ayant pris plus de consistance, on s’efforça d’y mettre encore plus de scrupule. Madame Perier, dans la Vie de son frère Pascal, aura grand soin de noter les sentiments royalistes qui ne le quittèrent pas, et combien il était intraitable sur ce chapitre des troubles civils, n’en souffrant l’excuse sous aucun prétexte, et n’y voyant pas moins qu’un sacrilège. M. d’Andilly, en ses Mémoires, parlant de sa liaison étroite avec madame Du Plessis-Guenegaud, a également soin de dire : « Notre amitié d’elle et de moi commença lors des guerres de Paris, où, nous trouvant ensemble à Port-Royal aux sermons de M. Singlin, nous parlions aussi hautement pour le service du Roi que l’on pourroit faire aujourd’hui. »[1] C’est en vertu des mêmes

  1. Je trouve, dans un projet (manuscrit) de justification de Messieurs de Port-Royal près de Colbert (1663), qu’on les avait accusés d’écrire pour Fouquet : « Leur malheur est si grand qu’encore qu’ils ne se mêlent d’aucune chose hors de leurs obligations, on les a