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Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t2, 1878.djvu/209

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LIVRE DEUXIÈME.

principes qu’Arnauld, fugitif dans les Pays-Bas, écrivait son Apologie pour les Catholiques d’Angleterre accusés par Oates d’avoir conspiré contre leur roi (1678), et qu’encore, plusieurs années après, lors du détrônement de Jacques, il lançait contre l’usurpateur Guillaume son virulent pamphlet tout royaliste, qui lui apportait de nouvelles entraves dans l’exil. De même le Père Quesnel, héritier de l’esprit d’Arnauld, défendait la souveraineté des Rois, contre Leydecker. Au dix-huitième siècle, dans les Mémoires sur Port-Royal par le bon Guilbert, nous voyons l’historien à un certain moment, et lorsqu’il apprend l’attentat de Damiens, s’interrompre tout d’un coup durant des pages, pour faire profession d’obéissance au roi et d’exécration contre les sacrilèges.[1] Enfin de nos jours, l’un des derniers Jansénistes, le respectable M. Silvy, s’est attaché, dans ses brochures, à justifier de cette obéissance de Port-Royal aux puissan

    toujours accusés d’intrigues et de factions ; sur quoi, s’il plaisoit à M. Colbert de considérer que, pendant les dernières guerres civiles, ils étoient quasi les seuls qui refusoient l’absolution à ceux qui étoient contre le parti du Roi, il jugeroit aisément, etc., etc. … » Mazarin, bien tolérant d’ailleurs, n’était pas si persuadé de leur entière innocence aux environs de la Fronde. Un des curés de Paris qui fut le plus accusé, à cette époque, d’avoir pactisé avec la Fronde était M. Du Hamel, curé de Saint-Merry ; il était du moins tout à fait dévoué au Coadjuteur. Or je trouve dans les Mémoires de M. Feydeau, qui avait été son vicaire et qui était resté l’un de ses actifs collaborateurs dans sa cure, cette particularité sur laquelle, d’ailleurs, il n’appuie pas : « Nous avions fait vœu, M. Dorat et moi, pendant la guerre de Paris, d’aller à pied à Saint-Michel, protecteur de la France, s’il plaisoit à Dieu de ramener le roi dans la ville de Paris. Nous l’exécutâmes cette année 1653. Nous partîmes sept de Paris. Nous avions deux chevaux qui portoient nos bardes. Ce fut le Jour de saint Louis que nous partîmes. » C’est ainsi qu’à Port-Royal et pour ceux qui en partageaient l’esprit, à côté d’une velléité d’indépendance, il y a toujours un correctif et une démonstration dans un sens de fidélité et de royalisme.

  1. Tome VIII, p. 236.