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Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t2, 1878.djvu/221

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LIVRE DEUXIÈME.

Dieu se fasse paroître.»[1] Nous reconnaissons bien, à ce ton de maître et à ce vigoureux esprit de spiritualité, la coopératrice dans l’œuvre, et l’égale, à sa manière, de M. de Saint-Cyran. C’est ainsi encore qu’ayant à écrire à la reine de Pologne et à une madame Allen, bonne et pauvre veuve de Paris, et ne pouvant trouver le temps de le faire à toutes deux, elle donnait la préférence à sa pauvre veuve. La mère Angélique appréciait pourtant en cette reine affectionnée beaucoup de bonté, d’aimable douceur, d’amour de la vérité, et une vie chaste, ajoutait-elle, conservée en tout temps, et intacte avant le mariage, elle en était certaine, malgré tous les méchants bruits de Cour. Elle ne cessa donc jamais de communiquer, d’octroyer, si l’on veut, à cette Majesté gracieuse et intéressante dans son faible, de sages et vrais conseils. Mais, dans ce commerce, c’était bien elle, évidemment, qui était la Reine, une Christine de Suède au cloître et contrite. L’autre, exilée en sa Pologne, n’était au plus qu’une espèce de reine Hortense de son temps.

Le tombeau de M. de Saint-Cyran, auquel cette Altesse et plusieurs prélats avaient rendu honneur dès le premier jour, devint bientôt très fréquenté et l’objet d’un culte que grossirent naturellement les amis, — que les ennemis, tant qu’ils purent, dénigrèrent. Tous les samedis, on envoyait, à ce qu’il paraît, des prêtres de Port-Royal qui venaient dire la messe à l’autel le plus proche de ce tombeau ; et ce n’était point la messe des Morts avec du noir qu’ils disaient, c’était une messe de Confesseur avec du blanc, ce qui semblait présumer étrangement pour le défunt, et trancher, comme en son nom, du Bienheureux. On envoyait, dès la veille, laver

  1. Mémoires pour servir à l’Histoire de Port-Royal (Utrecht, 1742), tome II, p. 385 et 333.