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Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t2, 1878.djvu/242

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PORT-ROYAL.

ancrèrent pas. Le vrai fonds solide, le support quotidien, nous le touchons ici : les Arnauld comme noyau et comme souche, les Bignon comme alliance et embranchement dans le monde, et au dedans encore, à l’entour, par acquisition étroite et successive, les Briquet, les Sainte-Marthe, les Le Nain, les Thomas Du Fossé, les Pascal.

Un mot littéral exprime ce fait du tiers-état supérieur, comme je l’ai appelé, qui compose le fonds de Port-Royal : cette société libre est le lieu par excellence où l’on se donne le Monsieur.[1]

Pendant que le jeune Du Fossé, avec ses frères et deux ou trois autres compagnons, étudiaient ainsi en toute innocence et simplicité, n’ayant pour Catéchisme que celui de M. de Saint-Cyran qui avait paru sous le titre de Théologie familière, n’y apprenant que la crainte et l’amour de Dieu, et tout à fait étrangers à ces questions et querelles dont, plus tard et déjà, les ennemis et calomniateurs de Port-Royal supposaient qu’on les nourrissait à plaisir, l’orage du livre de la Fréquente Communion éclata, et les coups dirigés contre Arnauld frappèrent partout avec fureur autour de lui. Ces enfants même qu’on élevait aux Champs eurent leur part de la secousse, et on jugea prudent de les envoyer au Chesnai, près Versailles, dans une terre de M. Des Touches, qui les recueillit quelque temps, jusqu’à ce que la première menace fût apaisée.

Au retour à l’abbaye des Champs, le jeune du Fossé fut témoin du mouvement singulier, et comme de la ma-

  1. On y disait Monsieur à un ami de toute la vie, à un condisciple, comme à un duc et pair. M. de Saci, peu avant de mourir, voyant entrer Fontaine, son secrétaire, son ancien compagnon de Bastille, à qui, les jours précédents, on avait refusé la porte, lui disait en l’embrassant : « Eh bien ! Monsieur, on vous a donc traité comme les autres ! »