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Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t2, 1878.djvu/254

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PORT-ROYAL.

Port-Royal, à cette date (1693), était comme en désarroi et en déroute ; les Jésuites se jetaient sur ce qui en restait comme sur une arrière-garde affaiblie. On réfutait Pascal après coup ; on écrasa le pauvre Fontaine. Il se hâta, pour la première fois de sa vie, de revendiquer son ouvrage, afin de le rétracter.[1] Le fait est qu’il avait commis des contre-sens ; il n’était ni théologien très-sûr, ni helléniste sans appel. Excellent secrétaire, je l’ai dit, une fois M. de Saci mort, l’œil du maître lui manquait.[2]

Fontaine mourut en 1709, à quatre-vingt-quatre ans, retiré à Melun, et survivant à tous ces grands hommes dans la compagnie desquels il ne cessait de vivre par la plus fidèle et la plus tendre mémoire. La persécution, l’humiliation du moins, vint l’atteindre jusque dans cette retraite de ses derniers jours, et il en rendait grâces. La dévotion du vieillard était d’aller aux Béné-

  1. Du Plessis d’Argentré, Collectio Judiciorum de novis Erroribus, tome III, partie 2, p. 386.
  2. Je trouve dans une lettre de M. de Pontchâteau écrite à M. Ruth d’Ans, vers 1684, une sortie contre Fontaine à qui des libraires, apparemment, avaient demandé de continuer les Explications de la Bible de M. de Saci :
    « Je reviens à M. Fontaine. Seroit-il possible qu’il oubliât de telle sorte ce qu’il doit à M. de Saci qu’il voulût contribuer à favoriser la passion de ces libraires et surtout en travaillant sur l’Écriture sainte ? Et qui lui a donné vocation pour mettre les mains à un si saint ouvrage ? Vous me consolez que M. Davy (M. Arnauld) en ait écrit ; mais l’aura-t-il fait aussi fortement qu’il le faut ? Je ne sais si Josset (libraire) aura entrepris une telle chose contre le sentiment de M. Le Tourneux, et je ne puis croire non plus que M. Le Tourneux l’approuve. En vérité le peu de commerce que j’ai avec le monde m’en dégoûte si fort que je ne pense quasi qu’aux moyens de n’y en plus avoir du tout. Vous avez remarqué le peu d’union qu’il y a entre ce qu’on appelle les amis ; j’en ai reçu des complaintes d’un de nos amis qui en a le cœur percé. Quel remède à tout cela ? Prier et gémir. Dieu nous en fasse la grâce ! »
    M. de Pontchâteau, dans sa vivacité, se sera exagéré le tort (si même il en eut) du bon Fontaine. Lui, oublier ce qu’il devait à M. de Saci !