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Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t2, 1878.djvu/272

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PORT-ROYAL.

titre, l’éloge du savant jardinier M. d’Andilly et des inventions dont il lui fait honneur.[1] Racine ne l’a pas moins loué, sans le nommer, quand il célèbre en ses poésies d’enfance les fruits exquis des jardins :

Je viens à vous, arbres fertiles,

Poiriers de pompe et de plaisirs !

Comme ce dernier vers est savoureux ! À coup sûr, l’écolier en avait goûté. Les pauvres solitaires, eux, n’en goûtaient pas, ni les religieuses ; on vendait une part de ces riches provenances, et l’argent allait aux pauvres. Mais surtout M. d’Andilly faisait des cadeaux ; il les proportionnait aux personnes : à la reine, au cardinal Mazarin, aux dieux de la terre, il envoyait, chaque année, les primeurs et l’élite de ses fruits bénits.[2] Voici une lettre inédite, du 23 septembre (je ne sais l’année) ; elle est adressée à madame de Sablé ; elle accompagnait un panier de poires à la même adresse, et un autre panier de pavies destiné à Mademoiselle (de Montpensier). Chaque mot témoigne de l’importance :

«Je vous envoie un panier de fruits pour Mademoiselle, et je serois bien aise qu’il vous plût de prendre la peine de

  1. Autour de ces lambris que le Nord ne voit pas,
    Le pêcher de la Perse a suspendu ses bras ;
    La chaux, le plâtre ardent et les pierres blanchies
    Ont concentré du jour les clartés réfléchies
    Et même ont réchauffé le soleil des hivers.
    Muse, dis-moi l’auteur de ces treillages verts ;
    Apprends-moi, tu le sais, d’où nous vint leur usage.
    Un illustre vieillard, un patriarche, un sage…

    (Au chant second, intitulé le Verger.)

  2. La politique y avait son compte : « La Reine, disait le cardinal Mazarin, est admirable dans l’affaire des Jansénistes : quand on en parle en général, elle veut qu’on les extermine tous ; mais, quand on lui propose d’en perdre quelques-uns, et qu’il faut commencer par M. d’Andilly, elle s’écrie aussitôt qu’ils sont trop gens de bien et trop bons serviteurs du Roi. »