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Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t2, 1878.djvu/299

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LIVRE DEUXIÈME.

cative. Il y eut même un projet de conciliation et de paix fondé sur un strict silence des deux partis. Arnauld, pressé par son frère, s’était engagé à ne plus écrire ! C’est alors que la Reine dit que, puisque M. d’Andilly avait donné sa parole, on ne pouvait plus mettre la sincérité en doute. Mais le silence, du côté des Jésuites, dura peu ; et d’ailleurs les armes, de part et d’autre, étaient trop chargées pour une trêve. En 1656, lors de l’éclat de la Sorbonne contre Arnauld, il y eut ordre de la Cour de disperser les solitaires des Champs. M. d’Andilly, averti à temps par le secrétaire d’État Brienne, s’empressa d’écrire au Cardinal, protesta de la soumission de tous, et obtint que le Lieutenant civil ne vînt pas immédiatement faire exécuter l’ordre. Les solitaires se dispersèrent d’eux-mêmes, et lui se retira à Pomponne, puis à Fresnes, chez madame Du Plessis-Guénegaud : au bout d’un mois d’exil, il était rentré au désert des Champs par tolérance. Mazarin, qu’il s’empressait de remercier, lui répondait par un tout aimable billet : «J’espère bien que vous n’oublierez pas dans vos prières celui qui est vôtre.»

Dans les années qui suivirent, on verrait M. d’Andilly poursuivre sous main ce rôle de conciliation et de bonne entremise auquel les passions allumées se prêtaient peu : il est éclipsé et insuffisant. Il se mêla avec beaucoup de vivacité dans les projets d’accommodement, bientôt avortés, de son ami l’évêque de Comminges (Choiseul-Praslin, le cousin-germain de madame Du Plessis-Guénegaud). Arnauld s’en irrita plus d’une fois. Il y eut même un instant assez vif entre les deux frères ; le docteur écrivit à son aîné des choses dures.[1] En août

  1. M. d’Andilly s’était blessé, dans le sens et dans l’intérêt de M. de Comminges, de ce qu’Arnauld avait pris sur lui d’imprimer, dans une Réfutation du Père Ferrier, des extraits de lettres du prélat qui étaient destinées à rester confidentielles. Arnauld avait