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Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t2, 1878.djvu/301

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LIVRE DEUXIÈME.

relle croissante sur les Propositions de Jansénius, d’où sortit en 1655 l’action de la Sorbonne contre Arnauld d’où sortirent, à leur tour, les Provinciales, — Nous nous tenons, pour le moment encore, au dedans.

Je me garderai bien d’énumérer tous les solitaires qui venaient s’ajouter chaque année aux précédents : ce serait tomber dans une série de biographies qui se reproduiraient presque toutes l’une l’autre. Que dire par exemple, d’un M. Bouilli, chanoine d’Abbeville, qui vint aux Champs dès 1647, et se fixa au jardin des Granges, sur la hauteur ? Il en planta la vigne ; surtout il travaillait, nous marque-t-on, à tailler la vigne spirituelle de son cœur. Ce fut un jardinier tout autrement austère que M. d’Andilly, et il eut plus tard sous lui, comme jardinier également, comme simple apprenti, et plus austère encore, l’illustre abbé de Pontchâteau. M. de Pontis ce vieil officier d’armée que j’ai nommé quelquefois, mérite plus de mention. Dans sa longue et vaillante carrière au régiment des Gardes, il n’avait jamais pu se tirer du grade de lieutenant, où un malin guignon semblait le confiner. C’était le lieutenant expert et consommé ; il lui sied même de n’avoir été que cela, comme à Lancelot de n’avoir été que sous-diacre. Un jour, déjà confiné à Port-Royal, tous les lieutenants de son ancien régiment le vinrent prendre pour arbitre, comme leur doyen, dans un différend qu’ils avaient avec les capitaines. Très-anciennement lié avec M. d’Andilly, il se retira près de lui vers 1652 ou 1653, et participa, mais plus rudement, à ses travaux de jardinage, de défrichement, et même hors du vallon, sur la montagne. Il le surpassa aussi en longévité et mourut à quatre-vingt-sept ans ».[1]

  1. En 1670. — Une singulière question s’est élevée sur son compte. Ses Mémoires, rédigés par Du Fossé, parurent en 1676 : ils eurent beaucoup de succès et donnèrent l’idée à l’abbé Arnauld d’écrire les siens. Madame de Sévigné les lisait dans son été de