Aller au contenu

Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t2, 1878.djvu/310

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
300
PORT-ROYAL

plication de la merveille ? quelle plus juste excuse de l’illusion ? Qui pourrait mieux dire ?

Pendant que le désert des Champs multipliait ses solitaires, le monastère de Paris avait eu ses conquêtes aussi. Madame la marquise d’Aumont, veuve du lieutenant général de ce nom,[1] y venait demeurer (1646), et y voulut prendre l’habit blanc. Personne excellente, dévouée et solide, son crédit servit souvent auprès de l’archevêque, et ses bienfaits considérables aidèrent à maintes œuvres. Lorsqu’elle fut près de mourir (1658), elle demanda pour toute grâce qu’on l’enterrât comme une religieuse, et qu’aux prières qu’on ferait pour elle, on ajoutât après son nom, Sororis nostrœ (notre Sœur), bien qu’elle s’en reconnût fort indigne. Ces personnes du monde, telles que madame de Sablé et madame d’Aumont plus simple, trouvaient dans l’aimable mère Agnès un pendant de ce qu’on trouvait aux Champs désormais en M. d’Andilly. Madame d’Aumont disait un jour à M. Le Maître : « Je vous assure, monsieur, que je m’accommode mieux de la mère Agnès : notre Mère est trop forte pour moi. » Il est vrai qu’à madame de Saint-Ange qui lui disait un jour la même chose, madame d’Andilly autrefois avait répondu : « La mère Angélique ressemble aux bons Anges, qui effraient d’abord et qui consolent après. »

Cependant la mère Angélique avait toujours eu regret et même remords d’avoir quitté son abbaye des Champs ; certaines paroles, par lesquelles M. de Saint-Cyran lui avait recommandé d’y retourner dès qu’elle le pourrait, devenaient un ordre pour elle.[2] Une visite qu’elle y fit le

  1. Née Hurault de Chiverni. — Le Père Rapin s’est mis en grands frais d’explications sur la manière dont cette noble et bonne veuve fut acquise à Port-Royal (Mémoires, tome I, pages 129 et suiv.) : cela lui tient à cœur.
  2. Dans des Points sur la Pauvreté écrits de Vincennes, M. de