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Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t2, 1878.djvu/333

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LIVRE DEUXIÈME.

Saci, non moins savant qu’aucun, plus prudent que tous, ferme sous sa timidité première, lent, restrictif, ingénieux, continue, en la resserrant, l’autorité dirigeante que M. Singlin avait reçue de M. de Saint-Cyran et comme gardée en dépôt pour la lui conférer entière : il est le directeur port-royaliste au complet et perfectionné, moins le génie encore une fois, qui marquait au front et qui maintient hors ligne le premier maître.

Si, malgré les déviations latérales et accessoires que j’ai d’avance signalées, Port-Royal a conservé pourtant son unité jusqu’au bout, c’est à M. de Saci qu’on le doit, c’est en lui qu’on la trouve. Sa vie est la ligne droite de Port-Royal.

M. de Saci, frère cadet de MM. Le Maître et de Séricourt, ne s’appelait de la sorte que par une façon d’anagramme de son nom de baptême Isaac (Isaac-Louis Le Maître).[1] Né le 29 mars 1613, élevé dans la paroisse de Saint-Merry où logeait sa famille, il fit paraître dès l’enfance une piété exemplaire, qui édifiait le curé, M. Hillerin, et que rien jamais ne démentit. Il suivit pendant quelque temps ses études au Collège de Beauvais[2] avec M. Arnauld son petit oncle, et qui n’avait qu’un an de plus que lui. Il fit sa philosophie avec soin, comme toutes choses, mais sans y prendre le même goût qu’aux belles-lettres, un peu le contraire en cela d’Arnauld. La morale, une certaine fleur de belles-lettres, les langues, et la foi dominant le tout, voilà déjà en abrégé M. de Saci. « Son esprit, raconte Du Fossé, paroissoit dès lors ce qu’il fut depuis, c’est-à-dire plein

  1. De nos jours, l’illustre et vénérable M. Silvestre de Sacy ne portait ce dernier nom également que par transformation de celui d’Isaac.
  2. ou plutôt au Collège de Calvi Sorbonne. Du Fossé, qui indique Beauvais, n’est pas d’accord avec les biographes d’Arnauld.