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Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t2, 1878.djvu/444

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PORT-ROYAL.

son utilité, qu’elle peut ramener quelques esprits, qu’il en sait un qui a été convaincu par là : enfin dit-il, « la foy venant à teindre et illustrer les arguments de Sebond, elle les rend fermes et solides. »

Mais, quand il arrive à ceux qui (non plus par zèle de piété) accusent les arguments de Sebond d’être faibles et de ne rien prouver, oh ! c’est alors qu’il fait le dégagé et le franc : « Il fault, s’écrie-t-il, secouer ceulxcy un peu plus rudement, car ils sont plus dangereux et plus malicieux que les premiers. » Mais c’est lui-même qui redouble à l’instant sa malice. Que va-t-il faire en effet ? Pour réfuter ces derniers, il ne trouve rien de mieux que de renchérir soudainement sur eux d’un air outré à dessein, et de leur dire en substance : « Je crois bien que les arguments de ce pauvre Sebond sont faibles, qu’ils ne prouvent pas grand’chose ; mais, insensés ! malheureux frénétiques d’orgueil (car il fait semblant d’être en colère et de relever le gant pour la majesté divine outragée), quels sont les arguments, dites-moi, qui soient bons et qui prouvent quelque chose en pareille matière ? Quels sont les raisonnements auxquels on n’en puisse opposer d’autres aussi concluants, ou plutôt aussi peu concluants ? » Et là-dessus, comme s’il s’emportait de bonne foi, il entame une longue énumération et discussion, à perte de vue, de toutes les causes d’erreur et d’impuissance de la raison humaine isolée, par rapport aux croyances. Le rôle de Montaigne en tout ce chapitre, une fois bien compris, est singulièrement dramatique ; il y a toute une comédie qu’il joue, et dont il ne prétend faire dupe que qui le veut bien.

Montaigne sur Sebond joue le même personnage que Bayle sur les Manichéens.

Ce qu’il veut en fin de compte, c’est (ne l’oublions pas) de faire la vérité des choses de la révélation si