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Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t3, 1878.djvu/189

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LIVRE TROISIÈME.

y eût carie ; il y avait le conduit naturel que bouchait un obstacle incomplet, et cet obstacle cédait en partie si l’on pressait. De tels cas sont assez simples. Il faut rabattre de tous ces symptômes que grossit l’inexpérience, aussi bien que de ces termes effrayants de la chirurgie d’alors, appliquer le feu, comme qui dirait condamner au feu. Il suffit que, d’une manière ou d’une autre, le libre écoulement des larmes se rétablisse à l’intérieur, pour que tous les désordres cessent presque à l’instant même. Or, dans le cas présent, qu’arriva-t-il ? La sœur Flavie, en reprenant le Reliquaire et en l’appliquant sur la tumeur, opéra-t-elle par la simple pression le dégorgement complet du sac ? Cette pression, un peu énergique peut-être et proportionnée à la ferveur, fut-elle suffisante pour forcer l’obstacle et désobstruer, une fois pour toutes, le canal ? Il n’y aurait rien que d’assez naturel à le supposer. Quoi qu’il en soit, on ne s’en aperçut pas dans le moment même. La petite dit seulement à l’une de ses compagnes qu’elle se sentait mieux : et le soir, la sœur Flavie remarqua que la tumeur, en effet, était dégonflée. Quant au chirurgien Dalencé, il ne vit l’enfant que le 31 mars, c’est-à-dire sept jours après[1], et il trouva le tout remis en bon état. La cause du mal venant à cesser, les effets disparaissent très-vite, et chez les enfants particulièrement. Il n’y eut en réalité pas d’autre personne de l’art qui fut témoin plus

  1. C’est ce que prouve la lettre de la sœur Euphémie, telle qu’on la lit dans l’excellent Recueil d’Utrecht, page 283. Cette lettre, commencée le 29 mars, fut continuée le 31 ; il importe de distinguer cette double date, pour ne pas rapporter au 29 ce qui n’eut lieu que deux jours plus tard. — Je trouve encore la preuve que c’est bien le 31 mars seulement que M. Dalencé revit l’enfant, page 5 de la Réponse à un Écrit publié sur le sujet des miracles qu’il a plu à Dieu de faire à Port-Royal depuis quelque temps par une Sainte-Épine de la Couronne de Notre-Seigneur ; Paris, 1656, in-4 ».