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Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t3, 1878.djvu/530

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PORT-ROYAL.

ment d’Arnauld[1] et dans les préfaces de Guyot. Ce dernier faisait remarquer qu’on négligeait un peu trop cette étude dans les Collèges, et qu’on en apprenait fort peu aux enfants. Il n’a pas tenu à Messieurs de Port-Royal qu’elle ne fût complètement restaurée. Ce noble effort trouva trop peu d’appuis à l’entour. L’étude de la langue grecque, si déchue dès les premières années du dix-septième siècle, retomba encore vers la fin du même siècle ; et Rollin, qui savait le grec mieux qu’on ne l’a prétendu, ne le savait pourtant déjà plus à fond ni à pleine source. Il y eut, du moins, un beau moment de renaissance vers 1655 ; et Racine, pour sa gloire, pour l’honneur de notre génie dramatique, en profita.

Selon Lancelot, dans l’excellente préface de sa Méthode, il convient d’aborder le grec directement, et non pas, comme on fait presque toujours, à travers le latin ; car la langue latine a un tour bien plus éloigné de la nôtre que la grecque, et rien n’arrête plus dans l’intelligence de celle-ci que de vouloir toujours faire prendre un tour à notre pensée par une explication latine[2]. Ce n’est pas, selon lui, qu’il faille mettre les enfants au grec avant qu’ils sachent un peu de latin ; mais, dès qu’ils ont quelque teinture de ce dernier, il est bon de les appliquer aussitôt à l’autre langue, qui doit être le principal objet de leurs occupations pendant trois ou quatre années ; seul et unique moyen d’en devenir maître.

  1. « M. Arnauld avouoit à M. de Tréville qu’il n’étoit pas fort savant dans la langue grecque ; qu’il avoit autrefois su de l’hébreu, mais que les affaires où il s’étoit trouvé engagé le lui avoient fait oublier. » (Longueruana.)
  2. « Quant au grec, feu mon père, nous dit Henri Estienne, m’y fit instituer quasi dès mon enfance, et même avant que d’apprendre rien de latin, comme je conseillerai toujours à mes amis de faire instituer leurs enfants, pour plusieurs bonnes et importantes raisons, combien que la coutume soit aujourd’hui autrement. » (Préface du Traité de la Conformité du Langage françois avec le grec.)