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Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t3, 1878.djvu/553

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LIVRE QUATRIÈME.

partie de la Logique. M. Arnauld qui était présent, et qui n’avait pas grande estime de cette science (la possédant si bien par nature), repartit en riant que, si M. de Chevreuse voulait en prendre la peine, on se faisait fort de lui apprendre en quatre ou cinq jours tout ce qu’elle renfermait d’utile et d’essentiel. De cette sorte de gageure il passa aussitôt à l’effet et se mit à écrire un abrégé en quelques pages. Il comptait ne mettre à la rédaction qu’une seule journée ; mais, les réflexions survenant en plus grand nombre qu’il n’avait cru, le travail dura de quatre à cinq jours. Ainsi fut composé le corps de cette Logique, à laquelle depuis on ajouta les Discours et plusieurs chapitres ; mais le fonds ne prit pas plus de temps à établir. Ce premier fonds, par une certaine touche mâle et grande, sent la main d’Arnauld.

C’était quasi réaliser le mot de Montaigne, qui prétend qu’on peut rendre la logique aussi aisée et agréable à l’esprit des enfants qu’un conte de Boccace[1].

Les principaux Écrits d’où relève cette Logique de Port-Royal, et qui en sont en France les vrais précédents, sont : 1° les ouvrages de Ramus, et particulièrement sa Dialectique en français, 1555 ; 2° tout ce que dit Montaigne contre Baroco et Baralipton, contre cette logique barbare de son temps ; son chapitre de l’Art de conférer ; 3° Descartes, Discours de la Méthode, et ailleurs ; 4° il y faut joindre Pascal pour son petit écrit de l’Esprit géométrique et pour celui de l’Art de persuader, où il appelle Montaigne l’incomparable auteur de l’Art de conférer ; on sait que ces petits écrits de Pascal, antérieurs de composition à la Logique de Port-Royal, bien que seulement imprimés depuis, avaient été communiqués en manuscrit à ces Messieurs, et ils reconnaissent en avoir profité.

  1. Voir précédemment au tome II, page 422.