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Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t3, 1878.djvu/63

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LIVRE TROISIÈME.

et qu’essayant de les corriger on les trouve si propres qu’on gâteroit le discours, il les faut laisser : c’en est la marque ; et c’est la part de l’envie qui est aveugle, et qui ne sait pas que cette répétition n’est pas faute en cet endroit ; car il n’y a point de règle générale[1]. »

De bonne heure il s’est introduit en français une certaine critique grammaticale et microscopique devant laquelle rien ne tient ; j’ai plaisir à le constater. D’Olivet notera mille fautes dans Racine ; Condillac relèvera nombre d’incorrections et d’infractions à sa fameuse liaison des idées chez Boileau ; et peu s’en faut qu’ici la première Provinciale ne demeure convaincue de toutes les fautes de français, de par Daniel.

Mais Pascal et Boileau (j’espère le montrer un jour de ce dernier), en fondant le style véritablement exact et régulier, n’ont pas donné dans l’excès puriste et académique qui se produisait autour d’eux. Ce juste milieu de leur part est un cachet de leur originalité. Ils ont eu le scrupule dans les vraies limites.

Ces avances prélevées sur nos conclusions littéraires, reprenons nos Provinciales. Le reste de la première Lettre est un dialogue tout comique, soit avec le docteur de Navarre, de cette maison de laquelle étaient Cornet, Guyart, les principaux ennemis ; soit avec le bonhomme janséniste ;’soit enfin avec le disciple de M. Le Moine et avec les Jacobins thomistes, de ceux qui avaient tourné contre Arnauld. Pascal y raille et y coule à fond

  1. Cette nuée de flèches qu’assemble le docte Jésuite contre la première phrase de la première Provinciale me rappelle que la première phrase de la Préface des Lettres Persanes ressemble fort à un solécisme : « Rien n’a plu davantage dans les Lettres Persanes que d’y trouver… » Davantage que est proscrit depuis Vaugelas. Montesquieu le savait sans doute en prenant la plume ; mais, au lieu de dire n’a plus plu, ou de changer de tour, il a risqué le solécisme, sachant bien que de broncher tout au début ne tirait pas à conséquence pour un coursier de sa race.