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Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t3, 1878.djvu/79

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LIVRE TROISIÈME.

les a décriés dans les chaires et dans les livres, et combien ce torrent, qui a eu tant de violence et de durée, étoit grossi dans ces dernières années….[1] » — Toutes les plaisanteries futures sur les censures de la Sorbonne sont recelées dans ce seul mot : « Ils ont jugé plus à propos et plus facile de censurer que de repartir, parce qu’il leur est bien plus aisé de trouver des Moines que des raisons. » Voilà du coup la Sorbonne décriée sans retour. Quand elle se mêlera d’atteindre, au dix-huitième siècle, des livres illustres, Buffon ou Jean-Jacques, on ne le prendra pas avec elle sur un autre ton. À partir de Pascal, être docteur de Sorbonne est devenu, pour le monde et aux yeux des profanes, un désagrément, un ridicule, comme d’être chanoine, par exemple, depuis le Lutrin. Le docte bonnet ne s’est pas plus relevé de cet affront des Provinciales, que la calotte de Chapelain de la parodie de Boileau. Arnauld fut le dernier dont on put dire, que la beauté du doctorat l’avait déçu.

Arnauld, lui, ne s’en doutait pas ; en s’indignant, il était docteur encore ; il continuait, dans une suite d’écrits, à démontrer son innocence en bon latin, en bonnes formes ; il lançait sa Dissertatio theologica quadripartita (Dissertation quadripartite !). Qu’importe ? peine perdue auprès des ennemis qui le condamnaient quand même, aussi bien qu’auprès du monde qui l’absolvait lestement, sans le lire, et qui répétait désormais avec Pascal : « Cette instruction m’a ouvert les yeux. J’y ai compris que c’est ici une hérésie d’une nouvelle espèce. Ce ne sont pas les sentiments de M. Arnauld qui sont hérétiques, ce n’est que sa personne ; c’est une hérésie personnelle. Il n’est pas hérétique pour ce qu’il a dit ou écrit, mais seulement pour ce qu’il est M. Arnauld.

  1. L’oserai-je dire ? à cette distance, à ce degré du drame, dans les profondeurs déjà mystérieuses, M. de Saint-Cyran apparaît et devient comme l’Eschyle de céans.