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Page:Sainte-Beuve - Port-Royal, t3, 1878.djvu/93

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LIVRE TROISIÈME.

pour se défendre contre les décisions du Pape et des Évêques qui ont condamné cette doctrine et ce sens de Jansénius, a été tellement subtile, qu’encore qu’elle soit véritable dans le fond, elle a été si peu nette et si timide, qu’elle ne paroît pas digne de vrais défenseurs de l’Église.
« Le fondement de cette manière de se défendre a été de dire[1] qu’il y a dans les expressions un fait et un droit, et qu’on promet la créance pour l’un et le respect[2] pour l’autre.
« Toute la dispute est de savoir s’il y a un fait et un droit séparé, ou s’il n’y a qu’un droit ; c’est-à-dire si le sens de Jansénius, qui y est exprimé, ne fait autre chose que marquer le droit.
« Le Pape et les Évêques sont d’un côté et prétendent que c’est un point de droit et de foi, de dire que les cinq Propositions sont hérétiques au sens de Jansénius ; et Alexandre VII a déclaré dans sa Constitution que, pour être dans la véritable foi, il faut dire que les mots de SENS DE JANSÉNIUS ne font qu’exprimer le sens hérétique des Propositions, et qu’ainsi c’est un fait qui emporte un droit, et qui fait une portion essentielle de la profession de foi, comme qui diroit : Le sens de Calvin sur l’Eucharistie est hérétique ; ce qui, certainement, est un point de foi.
« Et un très-petit nombre de personnes, qui font à toute heure des petits Écrits volants[3], disent que ce fait est de sa nature séparé du droit.


    avec le texte qu’a publié Bossut. Je soupçonne ce dernier d’avoir un peu corrigé et rajeuni son auteur. On lit dans le manuscrit de la Mazarine : « La manière dont on s’est pris pour se défendre, etc. »

  1. Mais qui l’a dit mieux que vous-même dans les dernières Provinciales ?
  2. Pascal, dans les Provinciales, ne disait pas tout à fait qu’on dût avoir du respect pour le fait ; il réclamait sur ce point une réserve assez peu respectueuse, le doute ou l’indifférence, le droit pour chacun d’en juger d’après ses sens. Ces mots de respect pour le fait avaient été introduits depuis ; pourtant la doctrine de la séparabilité du fait et du droit y menait ; du moment qu’on accordait la croyance pour l’un, on ne pouvait guère promettre moins que du respect pour l’autre.
  3. Mais qui donc là-dessus a fait mieux que Pascal de ces petits Écrits volants qui ont volé jusqu’à nous ? qui les avait mis plus ea houBeur et en vogue à Port-Royal ?