Aller au contenu

Page:Sainte-Beuve - Portraits contemporains, t1, 1869.djvu/255

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

qui inspira la simplicité de Ruth et de Noémi, a envoyé son sourire sur ces pages.

Socialement, la signification de semblables œuvres est grande, et tant pis pour qui la méconnaît ! Nous donnions, il y a quinze jours[1], un mémorable fragment de M. de Chateaubriand sur l’Avenir du monde, où tous les mêmes importants problèmes sont soulevés, et où la solution s’entrevoit assez clairement dans un sens très-analogue. M. de Lamartine a publié, il y a deux ans à peu près, une brochure sur la Politique rationnelle, dans laquelle des perspectives approchantes sont assignées à l’âge futur de l’humanité, et, bien qu’il semble y apporter, pour le détail, une moins impatiente ardeur, ce n’est que dans le plus ou moins de hâte, et non dans le but, que ce noble esprit diffère d’avec M. de La Mennais. Béranger est, dès longtemps, l’homme de cette cause et des populaires promesses. Ainsi, symptôme remarquable ! tous les vrais cœurs de poëtes, tous les esprits rapides et de haut vol, de quelque côté de l’horizon qu’ils arrivent, se rencontrent dans une prophétique pensée, et signalent aux yeux l’approche inévitable des rivages. Ne sont-ce pas là aussi des augures ? — Mais nos grands hommes d’État régnants vivent en esprits forts ; ils tiennent et dévorent le présent : à d’autres, à d’autres qu’eux les augures et l’avenir !

Mai 1834.
  1. Dans la Revue des Deux Mondes.