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Page:Sainte-Beuve - Portraits contemporains, t1, 1869.djvu/299

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des gardes du corps. Son royalisme pourtant se conciliait déjà avec des idées libérales et constitutionnelles : il avait même composé une brochure politique dans ce sens, qui ne fut pas publiée, faute de libraire. Après les Cent-Jours, Lamartine ne reprit point de service : une passion partagée, dont il a éternisé le céleste objet sous le nom d’Elvire, semble l’avoir occupé tout entier à cette époque. Nous nous garderons de soulever le plus léger coin du voile étincelant et sacré dont brille de loin aux yeux cette mystérieuse figure. Nous nous bornerons à remarquer qu’Elvire n’a point fait avec son poëte le voyage d’Italie, et que le lac célébré n’est autre que celui du Bourget. Toutes les scènes qui ont pour cadre l’Italie, principalement dans les secondes Méditations, ne se rapportent donc pas originairement à l’idée d’Elvire, à laquelle je les crois antérieures[1] ; ou bien elles auront été combinées, transposées sur son souvenir par une fiction ordinaire aux poëtes. La mort d’Elvire, une maladie mortelle de l’amant[2], son retour à Dieu, le sacrifice qu’il fait, durant sa ma-

  1. Toutes ne sont pas antérieures. Je conjecture que l’élégie intitulée Tristesse : Ramenez-moi, disais-je, etc., etc., peut remonter jusqu’à 1813. Mais Ischia, le Chant d’Amour, la première partie des Préludes, comme aussi la dédicace de Childe-Harold, eurent pour objet d’inspiration la personne si rare qui est devenue la compagne des destinées de M. de Lamartine.
  2. On lit vers le début du Voyage en Orient : « J’emmène avec moi M. Amédée de Parseval ; nous avons été liés dès notre plus tendre jeunesse par une affection qu’aucune époque de notre vie n’a trouvée en défaut… Quand j’étais, il y a quinze ans, à Paris, seul, malade, ruiné, désespéré, mourant, il passait les nuits à veiller auprès de ma lampe d’agonie. »