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Page:Sainte-Beuve - Portraits contemporains, t1, 1869.djvu/300

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PORTRAITS CONTEMPORAINS.

ladie, de poésies anciennes et moins graves, quoique assurément avouables devant les hommes, tels sont les événements qui précèdent l’apparition des Méditations poétiques, laquelle eut lieu dans les premiers mois de 1820. Le succès soudain qu’elles obtinrent fut le plus éclatant du siècle depuis le Génie du Christianisme ; il n’y eut qu’une voix pour s’écrier et applaudir. Le nom de l’auteur, qui ne se trouvait pas sur la première édition, devint instantanément glorieux : mille fables, mille conjectures empressées s’y mêlèrent. Docile aux désirs de sa famille, Lamartine profita de sa réussite pour mettre un pied dans la carrière diplomatique, et il fut attaché à la légation de Florence. La renommée, un héritage opulent, un mariage conforme à ses goûts et où il devait rencontrer un dévouement de chaque jour, tout lui arriva presque à la fois ; sa vie depuis ce temps est trop connue, trop positive, pour que nous y insistions. Dans le peu que nous avons essayé d’en dire, relativement aux années antérieures, on trouvera que nous avons été bien sobre et bien vague ; mais nous croyons n’avoir rien présenté sous un faux jour. Lamartine est de tous les poètes célèbres celui qui se prête le moins à une biographie exacte, à une chronologie minutieuse, aux petits faits et aux anecdotes choisies. Son existence large, simple, négligemment tracée, s’idéalise à distance et se compose en massifs lointains, à la façon des vastes paysages qu’il nous a prodigués. Dans sa vie connue dans ses tableaux, ce qui domine, c’est l’aspect verdoyant, la brise végétale ; c’est la lumière aux flancs des monts, c’est le souffle aux