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Page:Sainte-Beuve - Portraits contemporains, t1, 1869.djvu/50

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rées en quelques mots, on voit Parny, « poëte et créole, à qui il ne fallait que le ciel de l’Inde, une fontaine, un palmier, une femme, et dont la paresse n’était interrompue que par ses plaisirs qui se changeaient en gloire. » On y voit Delille de Sales, le philosophe de la nature, « qui (comme d’autres philosophes de nos jours) faisait en Allemagne ses remontes d’idées. » On y trouve La Harpe, arrivant chez une sœur de M. de Chateaubriand, avec trois gros volumes de ses œuvres sous ses petits bras. Flins y obtient une part moins belle que dans l’Essai, mais très-satisfaisante encore. Flins a beau être mort de toute la mort d’une médiocrité spirituelle, une goutte d’ambre est tombée sur son nom et le conserve ; il y a quelque chose de lui enchâssé dans la base de marbre de cette statue immortelle. Ginguené et Chamfort sont les moins indulgemment traités. En relisant l’Essai, j’ai désiré un milieu plus juste entre la louange première et la sentence trop rigoureuse qui durera.

On est en 89 ; la politique gronde. Il y a un épisode développé sur les États de Bretagne, sur la constitution et les troubles de cette province : les lignes majestueuses de l’histoire apparaissent. Mirabeau, avec qui l’auteur a diné plusieurs fois, et qu’il a souvent entendu, est peint de génie à génie. La vie confuse, remuée, enthousiaste, de ces années-là, s’anime devant nous. On suit les trois belles nièces de Grétry avec la foule dans les allées des Tuileries ; on reconnaît la belle madame de Buffon à la porte d’un club, dans le phaéton du duc d’Orléans.