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Page:Sand - Contes d une grand mere 1.djvu/160

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les surveillais. Ce matin, je les ai tous arrachés avec soin, j’ai remis du sable à la place, et j’espère qu’ils ne repousseront pas cette fois.

Marguerite regarda le sable, et il lui sembla voir encore l’empreinte que les grandes pattes de la grenouille y avaient laissée en exécutant sa danse échevelée ; mais elle reconnut que ces traces étaient celles des paons qui venaient gratter la terre fraîchement remuée.

En ce moment, un bruit de pas de chevaux résonna au-dessus de sa tête. Elle leva les yeux et vit passer sur le pont-levis son cousin Puypercé qui s’en allait escorté de ses valets. Elle l’avait complétement oublié et ne se sentit pas dans une disposition d’esprit à s’affliger de son départ. Elle n’eût eu qu’un mot à dire pour le rappeler ; elle hésita un instant, haussa les épaules et le regarda s’éloigner.

Comme elle remontait au château, elle vit les domestiques rassemblés sur le perron et se partageant le pourboire que le colonel de dragons leur avait jeté en partant. Elle entendit leurs murmures, il n’y avait pas plus d’un sou pour chacun. — Après tout, se dit-elle, il compte peut-être revenir, ou bien il est très-pauvre et ce n’est pas sa faute.

— Eh bien ! lui dit madame Yolande quand elle entra chez elle pour lui servir son chocolat, as-tu vu toi cousin ? reste-t-il avec nous ?

— Je l’ai vu partir, grand’mère, et je ne lui ai rien dît.

— Pourquoi ?

— Je ne sais. J’étais toute troublée par un rêve