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Page:Sand - Contes d une grand mere 1.djvu/161

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que j’ai fait et que je veux vous raconter ; mais, comme ce rêve ou cette vision est peut-être, à mon insu, ce qu’on appelle une réminiscence, je voudrais vous demander l’histoire de la grenouille fée que vous me racontiez autrefois pour m’endormir.

— Je me la rappelle bien confusément, répondit madame Yolande, d’autant plus que c’était un conte de ma façon, et que j’y faisais chaque fois des variantes à ma fantaisie. Voyons si je me souviendrais… Il y avait jadis dans ce château une belle héritière appelée…

— Ranaïde ? s’écria Marguerite.

— Justement, reprit la grand’mère, et elle était magicienne.

— Elle épousa le beau prince… Dites le nom du prince, bonne maman !

— Attends donc… C’était le prince Rolando !

— J’y suis, bonne mère. J’ai revu toute l’histoire comme si elle se passait sous mes yeux.

— Mais la fin ?

— Oh ! la fin est terrible ! La grenouille, voulant reprendre la figure humaine…

S’enfla si bien quelle creva ?

— Précisément.

— Alors ton dénoûment est un souvenir de la fable que je te faisais apprendre en même temps, car, pour mon compte, je n’ai jamais eu la peine de terminer mon histoire. Tu étais toujours endormie avant la fin.

En ce moment, un fort coup de vent fit entrer dans la chambre des feuilles sèches et des brins de paille.