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Page:Sand - Contes d une grand mere 1.djvu/288

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Au bout d’un mois, Clopinet sut très-bien composer la préparation arsenicale avec laquelle on préserve les oiseaux de la pourriture et des mites. Il sut écorcher avec une propreté parfaite, en retournant la peau de l’oiseau comme on retourne un gant, sans salir ni froisser une seule plume. Il sut les petits os qu’il faut conserver pour assujettir les fils de fer, ceux qu’il faut couper, la manière de remplacer la charpente de l’animal par des fils de métal plus ou moins gros. Il sut distinguer dans la provision d’œils de verre ceux qui convenaient précisément à tel ou tel volatile. Il sut le rembourrer d’étoupes en lui conservant sa forme exacte, lui recoudre le ventre avec tant d’adresse qu’on ne pût soupçonner la couture, le dresser sur ses pieds, lui fermer ou lui ouvrir les ailes à son gré, et quant à lui donner la grâce ou la singularité de sa pose naturelle, il y fut passé maître dès le premier jour.

L’apothicaire, qui ne demandait qu’à vendre ses préparation et à débarrasser son laboratoire des travaux de l’empaillage, songea vitement à faire entrer Clopinet chez M. le baron de Platecôte, le seigneur épris d’ornithologie, pour qui l’enfant travaillait sans que ses talents fussent encore révélés au curé, car le curé, tout en faisant des recherches et des échanges avec le baron, était un peu jaloux de lui et eût essayé d’accaparer Clopinet pour son compte.

L’apothicaire était brave homme autant qu’homme d’esprit et il s’intéressait à Clopinet, dont la douceur et la raison n’étaient pas ordinaires. Il l’em-