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Page:Sand - La comtesse de Rudolstadt, 2e série.djvu/332

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j’espère que tu seras avec la bohémienne et l’esclave. Sans cela, moi, né des rois, je te renie. »

Il ajouta :

« Celui qui oserait dire que l’essence divine, qui est beauté, bonté, puissance, ne se réalisera pas sur la terre, celui-là est Satan. »

Il ajouta encore :

« Celui qui oserait dire que l’essence humaine créée à l’image de Dieu, comme dit la Bible, et qui est sensation, sentiment, connaissance, ne se réalisera pas sur la terre, celui-là est Caïn. »

Il resta quelque temps muet, et reprit ainsi :

« Ta forte volonté, Spartacus, a fait l’effet d’une conjuration… Que ces rois sont faibles sur leur trône !… Ils se croient puissants, parce que tout plie devant eux… Ils ne voient pas ce qui menace… Ah ! vous avez renversé les nobles et leurs hommes d’armes, les évêques et leur clergé ; et vous vous croyez bien forts !… Mais ce que vous avez renversé était votre force ; ce ne sont pas vos maîtresses, vos courtisans, ni vos abbés, qui vous défendront, pauvres monarques, vains fantômes… Cours en France, Spartacus ! la France bientôt va détruire… Elle a besoin de toi… Cours, te dis-je, hâte-toi, si tu veux prendre part à l’œuvre… C’est la France qui est la prédestinée des nations. Joins-toi, mon fils, aux aînés de l’espèce humaine… J’entends retentir sur la France cette voix d’Isaïe : « Lève-toi, sois illuminée ; car ta lumière est venue, et la gloire de l’Éternel est descendue sur toi ; et les nations marcheront à ta lumière. » Les taborites chantaient cela du Tabor : aujourd’hui le Tabor, c’est la France ! »

Il se tut quelque temps. Sa physionomie avait pris l’expression du bonheur.

« Je suis heureux, s’écria-t-il ; gloire à Dieu !… Gloire