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Page:Sand - Theatre de Nohant.djvu/102

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la ruse et à la haine la fierté de ton état et celle de ton sexe.

MYRTO, émue.

Quel serait donc le crime ? où donc serait le mensonge ? Ne pourrais-je t’aimer sans honte ? n’étais-tu pas un chef et un guerrier dans ta patrie ? n’as-tu pas reçu les leçons des sages de ta religion ?

BACTIS, troublé.

Ne me parle plus !

MYRTO.

Alors, parle-moi, il le faut ! On raconte sur toi des choses étranges ; on dit qu’une divinité mystérieuse te protège, qu’elle a guéri les blessures dont tu étais couvert quand tu fus amené ici ; enfin, les autres esclaves prétendent qu’elle te donne des forces qui sont au-dessus de ton âge ; que, malgré la délicatesse de tes bras, tu portes les plus lourds fardeaux, et que, durant la moisson, aucun d’eux ne peut suivre le rhythme agile de ta faucille.

BACTIS.

La divinité qui me protège n’est pas d’une religion différente de la tienne. Elle s’appelle volonté ou courage, et son temple est partout sous le ciel.

MYRTO, avec tendresse.

Parle-moi encore ! N’es-tu pas né au delà de l’Hémus, dans les déserts de la Scythie ?

BACTIS.

Le nom de ma patrie ne t’apprendrait rien. Pour vous autres Hellènes, tous les peuples étrangers à vos lois et à vos mœurs sont des barbares ; mais sache que nous avons nos coutumes, aussi belles que les vôtres ; nos familles, nos préceptes et nos sages, plus respectés que les vôtres. Mais que t’importe ce que nous sommes ?

MYRTO.

Je veux savoir qui tu es ! Si tu n’étais d’un sang illustre, tu n’aurais pas osé me parler comme tu viens de le faire.

BACTIS, entraîné.

Eh bien !… j’étais le fils d’un des principaux chefs de nos