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Page:Sandre - Le purgatoire, 1924.djvu/208

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le purgatoire

Ses prix n’avaient rien de fixe, il les modifiait comme il l’entendait. Et son grand secret, pour mener rondement ses affaires, consistait à vendre en série. Voici comment.

J’ai déjà parlé des cannes qu’il s’était procurées, comme par hasard, pour nous les offrir le jour même où la kommandantur organisait des promenades à l’extérieur. Les promenades n’eurent pas lieu, mais les cannes étaient écoulées. Le kantinier chercha une autre combinaison. Un matin, il déballa mystérieusement deux ou trois appareils photographiques. On sait que l’Allemagne a la réputation de fabriquer les meilleurs objectifs. Les appareils du kantinier furent enlevés comme des brioches. On lui en commanda d’autres. Il en eut de tous les formats, mais la plupart étaient d’un prix élevé. Une fièvre de photographie passa sur le camp. Elle dura quelques semaines ; puis, comme la vente ne rendait plus, la kommandantur interdit la photographie et donna l’ordre de lui délivrer tous les appareils. Il en fut de même pour les instruments de musique, lorsque la kantine en eut soldé assez et qu’elle eut épuisé son stock de partitions et de morceaux détachés. De même encore, les chaises longues et les fauteuils de jardin. Au début, ceux qu’on nous avait cédés étaient d’une qualité très ordinaire et d’un prix abordable. Quand on en réclama d’autres, il en vint de magnifiques, de luxueux et de divins ; puis, tout le monde étant servi, la kommandantur nous défendit de sortir dans la cour avec nos chaises longues.

Le plus souvent, la kommandanturinterdisait sans commentaires l’emploi de tel ou tel objet. Quelquefois,