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Page:Sandre - Le purgatoire, 1924.djvu/24

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le purgatoire

dures, qui me rappelaient certains campements du temps de la Marne, les soldats allemands et les prisonniers français s’essayaient à une conversation faite d’un peu de petit-nègre et de beaucoup de gestes. Ces Allemands n’avaient pas l’air féroce. Est-ce parce qu’ils étaient Saxons, et la légende est-elle vraie qui présente les Saxons comme moins âprement sauvages que les Prussiens ou les Bavarois ? Peut-être. Ils étaient au repos, en réserve, et leur aménité ne leur venait peut-être aussi que du contentement qu’ils éprouvaient à n’être pas allés à l’assaut ce jour-là. Plusieurs portaient avec désinvolture le réservoir métallique où se détachait, en gros caractères, ce mot affreux : « Flammenwerfer ». Mais tous se montraient humains pour l’instant. Aux prisonniers ils offraient des cigares, et du pain quelquefois.

— Pain K. K. ? demandait un chasseur.

Ia, Ia, répondait un grand gaillard. Gùt, Gùt. (Bon, Bon).

— Noir, reprenait l’autre, dégoûté.

Ia, Ia.

Et ils ne se comprenaient pas.

Malgré le froid, une odeur de pourriture et de suint qui traînait partout, écœurait.

J’interrogeais les chasseurs que je trouvais.

— Qu’est devenu le lieutenant D*** de la 3e ?

— Tué, mon lieutenant.

— Tué ? Comment ?

— Enterré par une grosse marmite.

— Et le lieutenant P*** ?

— Tué, et aussi les deux frères Ch***. Le plus jeune, qui venait de la cavalerie, est mort sur le parapet