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Page:Sandre - Le purgatoire, 1924.djvu/27

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prisonnier

Sous les arbres, les prisonniers transis se serraient l’un contre l’autre. Dans le trou où nous attendions, le lieutenant T*** enterrait, en se cachant, une grenade qu’il avait découverte au fond de sa musette.

Vint l’accalmie. Les soldats allemands sortirent de leurs cahutes. Avec les nôtres, ils parlaient tant bien que mal de la guerre. Ils la trouvaient longue. Ils enviaient sans détour le sort des prisonniers, qui du moins ont la vie sauve.

— La guerre est finie pour vous, disaient-ils. Finie. Vous serez bien en Allemagne. Oui, oui, gùt, gùt.

Puis, ils questionnaient.

— Croyez-vous que nous prendrons Verdun ? Un autre, plus lyrique, affirmait :

— Dans deux semaines, Verdun kapùt. (C’en est fait de Verdun.)

Ia, Ia, et après, la guerre est finie. Ce sera la paix.

Ia, Ia, répétaient-ils en chœur : Verdun, et la paix.

Ils en étaient persuadés. Sans doute leur avait-on enfoncé ce fol espoir dans le cœur pour les pousser à des assauts qui devaient être les derniers.

Dans tous les groupes, c’était la même chanson.

Verdun kapùt, la guerre est finie.

Soudain, un coup de sifflet.

Les groupes se disloquent. Des hommes sortent précipitamment de leurs abris, s’équipent, mettent le casque, chargent le sac, prennent le fusil et grimpent dans la direction des tranchées : une compagnie part en renfort. Cependant, nous n’avons pas vu un seul