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Page:Sandre - Le purgatoire, 1924.djvu/28

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le purgatoire

officier depuis que nous errons dans le bivouac. Où se cachent-ils ? Qui conduit les troupiers ?

Vers 17 heures, le lieutenant T*** s’écrie :

— Voilà le capitaine !

Là-haut, en haut de l’escalier taillé dans le flanc du ravin, le capitaine V*** est arrêté, debout, gigantesque, appuyé sur son ordonnance. Il regarde d’un air surpris, comme nous l’avons regardé nous-mêmes, le spectacle inattendu qu’il domine.

Nous allons au-devant de lui. Nous le saluons. Il nous serre affectueusement la main. Il ne trouve rien à nous dire. Nous ne trouvons rien à lui dire. Il est encadré par deux Allemands, et suivi par l’adjudant Ch***, qui est blessé à la figure et au poignet gauche.

Comme nous nous étonnons de les voir vivants :

— J’en suis aussi étonné que vous, dit le capitaine. Figurez-vous que, pendant que j’étais étendu dans le petit boyau, blessé comme vous savez, un enragé se jette sur moi, la baïonnette droite. Je pare le coup. Il revient, me porte un autre coup sur le casque, essaye encore de me piquer. En vain. Je parais tant bien que mal, et quand je ne parais pas assez tôt, mon ordonnance parait pour moi. Et nous n’avions comme armes que nos mains nues. Alors, pour en finir, mon enragé charge son fusil. Cette fois, me dis-je, je suis perdu. Non, car au même instant — et tout cela s’est passé en quelques secondes, — un officier allemand survenait, qui écarta l’homme. C’est ainsi que je ne suis pas mort. L’officier, un leùtnant, s’est installé dans mon P. C. et m’a gardé auprès de lui jusqu’à présent. Quand il s’absentait, un soldat restait auprès de moi, avec l’ordre de me protéger.