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Page:Saussure - Cours de linguistique générale, éd. Bally et Sechehaye, 1971.djvu/268

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montrerait des faits tout semblables à ceux de l’époque moderne. Ainsi, en Campanie, vers la fin de la République, on parlait : l’osque, comme les inscriptions de Pompéi en font foi ; le grec, langue des colons fondateurs de Naples, etc. ; le latin ; peut-être même l’étrusque, qui avait régné sur cette région avant l’arrivée des Romains. À Carthage, le punique ou phénicien avait persisté à côté du latin (il existait encore à l’époque de l’invasion arabe), sans compter que le numide se parlait certainement sur territoire carthaginois. On peut presque admettre que dans l’antiquité, autour du bassin de la Méditerranée, les pays unilingues formaient l’exception.

Le plus souvent cette superposition de langues a été amenée par l’envahissement d’un peuple supérieur en force ; mais il y a aussi la colonisation, la pénétration pacifique ; puis le cas des tribus nomades qui transportent leur parler avec elles. C’est ce qu’ont fait les tziganes, fixés surtout en Hongrie, où ils forment des villages compacts ; l’étude de leur langue a montré qu’ils ont dû venir de l’Inde à une époque inconnue. Dans la Dobroudja, aux bouches du Danube, on trouve des villages tatares éparpillés, marquant de petites taches sur la carte linguistique de cette région.

§ 2.

Langue littéraire et idiome local.

Ce n’est pas tout encore : l’unité linguistique peut être détruite quand un idiome naturel subit l’influence d’une langue littéraire. Cela se produit infailliblement toutes les fois qu’un peuple arrive à un certain degré de civilisation. Par « langue littéraire » nous entendons non seulement la langue de la littérature, mais, dans un sens plus général, toute espèce de langue cultivée, officielle ou non, au service de la communauté tout entière. Livrée à elle-même, la langue ne connaît que des dialectes dont aucun n’empiète