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Page:Sauvage - Tandis que la terre tourne, 1910.djvu/47

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pleine lune ou croissant

Les matins bourdonnant aux métiers des rayons ;
Il aura bien senti vivre sous ses haillons
Le sang brûlant de fièvre et l’honnête endurance.
Même il aura joui de son insuffisance ;
Il aura vu le soir de tendres pâmoisons
Resserrer sur son cœur amer les horizons.
Il aura d’un amour unique aimé sa femme
Et vu pousser le thym et l’hysope en son âme,
D’autres s’agiteront pour la gloire et l’orgueil
Qui ne seront pas mieux couchés dans le cercueil.
Il sait que l’existence offre des retours brusques,
Que dès qu’octobre aura carminé les lambrusques,
On reviendra, semeurs de cloches, au logis
Où brillent alignés les instruments fourbis,
Où le linge rugueux embaume de lessive,
Où les raisins d’hiver se bercent aux solives
Avec les chapelets de raves et d’oignons,
Les bottes de tilleul, les chairs de champignons…
Le logis et le lit célé par les courtines,
L’enfant aux doigts poisseux du sucre des tartines,
La ménagère fraîche en son fichu de lin,
La fenêtre, le puits, la vigne, le jardin.