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Page:Say - Œuvres diverses.djvu/166

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que l’eau remontait dans une pompe vide d’air comme le mercure dans un baromètre, en raison de la pesanteur de l’atmosphère qui était suffisante pour les faire refluer à cette hauteur, et pas au delà ; alors seulement on fut éclairé, on fut savant sur ce point. Le fait de l’ascension de l’eau dans les pompes fut lié au fait de la pesanteur de l’air ; et l’on put raisonner la construction des pompes qu’on avait jusque-là construites au hasard et probablement fort imparfaites.

Je dis qu’on fut savant sur ce point, Messieurs, car la science humaine, quelqu’étonnante qu’elle soit à beaucoup d’égards, est bien bornée à beaucoup d’autres. Nous observons qu’une personne vaccinée peut s’exposer à la contagion de la petite vérole sans la prendre ; il est infiniment probable que l’un de ces faits tient à l’autre par une chaîne non interrompue, puisque l’un entraîne toujours l’autre ; mais il y a plusieurs anneaux de cette chaîne qui passent au travers d’un nuage dont l’épaisseur les dérobe à nos yeux. Ce nuage se dissipera peut-être un jour ; alors nous serons plus instruits que nous ne le sommes à cet égard ; jusque là tout le mérite auquel nous puissions prétendre, est de constater ce que nous savons et ce que nous ne savons pas, afin de ménager des pierres d’attente à nos successeurs.

Telle est, Messieurs, la méthode qui assure notre marche et qui fait tomber maintenant tous les systèmes hypothétiques, toutes les explications gratuites et dénuées de preuves. Un astrologue aurait de la peine aujourd’hui à faire croire qu’une comète présage un grand événement. Nous ne gardons pas dans nos poches, comme faisaient nos pères, des dents de requin proprement enchâssées dans des montures d’or et d’argent, pour préserver des maux de dents et de la peur. Les nègres musulmans de l’Afrique portent encore, pour se garantir des accidents de la guerre, des passages du Koran sur leur poitrine ; mais nos soldats riraient d’une pareille précaution. Depuis que les hommes judicieux et éclairés de tous les pays, n’admettent les faits comme conséquence les uns des autres, que lorsqu’ils en ont reconnu la liaison, on a laissé les causes occultes, les explications gratuites et supposées aux nations les plus ignorantes et aux classes les moins avancées de la société.

Cette manière d’observer a encore cela de bon qu’elle nous apprend à peser l’importance des faits, à faire grand cas de ceux qui peuvent nous conduire à quelque conclusion utile, et à ne pas surcharger notre mémoire et notre papier, de ceux dont il est impossible de tirer aucune