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Page:Say - Œuvres diverses.djvu/174

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tion quelquefois très-vive, à ceux qui s’occupent de cette étude comme on doit s’en occuper à présent.

Mais il ne faut pas que vous vous imaginiez, Messieurs, que ce soit au professeur à tout faire. Il n’est chargé que de la moitié de la tâche ; c’est à vous de l’achever. Pour profiter d’une étude quelconque, il faut que l’assimilation s’opère.

L’assimilation ! vous allez me demander ce que j’entends par ce mot : il faut vous satisfaire.

Les aliments qui soutiennent notre vie ne sont pas nous, et cependant ils deviennent nous lorsque, passés dans le sang, puis dans les muscles et dans toutes les parties dont notre corps se compose, ils finissent par en faire partie.

Si vous lisez un livre, si vous écoutez un professeur, sans vous approprier ce qu’ils vous disent de bon, leurs idées restent leur propriété et ne font point partie de la vôtre. Mais du moment que vous vous êtes formé par vous-mêmes une conception nette de l’idée qu’on a présentée à votre esprit ; du moment qu’en suivant le professeur, vous vous êtes pour ainsi dire promené autour d’un objet, que vous l’avez examiné sous toutes ses faces, que vous avez remarqué tout ce qui le caractérise, oh ! alors l’idée que vous en emportez, n’est plus celle du professeur seulement ; elle est à vous comme à lui : l’assimilation est faite[1].

Malheureusement je serai souvent obligé de vous conduire autour d’objets que vous croyez connaître, et d’employer des expressions qu’on emploie tous les jours. Dès lors il faut nous tenir en garde contre les habitudes que nous pourrions avoir contractées de voir les choses autrement qu’elles ne sont ; et contre les fausses notions que pourraient ramener avec eux les mots par lesquels je serai obligé de désigner des idées réelles. Si c’est un avantage d’employer un langage connu, on y rencontre aussi l’inconvénient de mêler aux idées qu’on débrouille toutes les idées inexactes, ou vagues, que les mêmes expressions réveillent communément. J’aurai soin à la vérité de vous dire le sens que j’attache à chaque mot ; mais je ne pourrai vous le répéter chaque fois qu’il faudra que ce mot reparaisse. Secondez-moi, Messieurs, écartez de votre esprit toute autre signification. Il n’y a point de mot, sans en ex-

  1. On trouve ce passage, sur l’assimilation des idées, reproduit à peu près littéralement à la fin du chapitre XIX de la 2e part. du Cours. (E. D.)