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Page:Say - Œuvres diverses.djvu/19

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M. et Mme Say voulurent revenir à Paris, ce fut un deuil général dans la contrée ; chacun aurait voulu obtenir la permission de les suivre.

Ce long séjour dans une retraite active, n’était pas défavorable à l’étude. Placé en dehors du mouvement de la politique, l’économiste jugeait en spectateur impartial, mais non pas indifférent, les fautes de l’Empire, le système continental, le commerce par licences et ces nombreuses mesures que dictaient la colère plus souvent que la raison. On se levait de bonne heure à Auchy, et cependant les journées y étaient toujours trop courtes. La littérature, les arts étaient cultivés comme délassements, et l’on ne manquait même pis de société ; beaucoup de gens de mérite savaient trouver le chemin qui conduisait au salon du manufacturier, et oubliaient la longueur du voyage en recevant une cordiale hospitalité.

Les droits de douane sur le coton avaient été élevés à un taux absurde ; la difficulté des communications ajoutait au prix excessif de cette matière première. Jean-Baptiste Say prévoyait la chute très-prochaine d’un système aussi contraire au véritable intérêt des peuples ; il craignait la perte qui devait, dans ce cas, résulter pour les manufacturiers d’un brusque changement dans le prix des marchandises, et, à la suite de quelques dissentiments avec son associé à ce sujet, il prit le parti de se retirer en réalisant un modeste capital. Il revint à Paris avec sa famille, en 1813, et les événements ne justifièrent que trop tôt et trop sévèrement pour la France les prévisions du philosophe.

Grâce à la demi-liberté qu’on ne put refuser au pays épuisé par de trop longues guerres, le Traité d’Économie politique se réimprima ; et cette édition devait être bientôt suivie de plusieurs autres.

La paix rendait faciles des communications interrompues depuis un quart de siècle. Il était intéressant, pour les Français surtout, de chercher à se rendre compte des progrès qu’avait pu faire la nation anglaise, dont l’industrie, à la faveur du monopole des mers, avait pris un si rapide développement. M. Say se fit donner par le Gouvernement la mission de visiter l’Angleterre pour en étudier l’état économique et pour en rapporter toutes les informations dont une application utile paraîtrait praticable chez nous. Cette exploration lui fut rendue facile par la connaissance qu’il avait de la langue anglaise, par sa propre expérience comme manufacturier, et par l’accueil que lui réservait sa réputation. Reçu avec empressement par les économistes, particulièrement par Ricardo, par Bentham, par les professeurs des Universités d’Angleterre et d’Écosse, il fit un voyage des plus instructifs et dont il devait conserver d’heureux souvenirs. À Glascow on lui avait demandé de s’asseoir dans la chaire où professait Adam Smith, et ce n’est pas sans émotion qu’il racontait un jour à ses auditeurs du Conservatoire des Arts et Métiers, cet épisode de son voyage.

De retour de cette mission, il remit au Gouvernement un Mémoire très