Aller au contenu

Page:Say - Œuvres diverses.djvu/208

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

habitée par des hordes qui vivent de leurs troupeaux, et qui se transportent de lieux en lieux à mesure qu’ils en ont épuisé les productions spontanées. Nous trouverions même, en observant leurs usages, des rudiments d’une civilisation plus avancée ; mais ce serait une recherche sans objet. Quand nous voulons étudier la structure du corps humain, ce n’est pas dans un embrion imparfait que nous allons la chercher, c’est dans l’homme adulte, dans l’homme parvenu à tout le développement que comporte sa nature. De même, quand nous voulons connaître les organes et la force vitale de la société, c’est dans la société, parvenue au plus haut point de développement où nous pouvons l’observer, qu’il nous convient de l’étudier ; car on y découvre mieux le nombre et le jeu de ses différents ressorts, et d’ailleurs cet état étant le nôtre, est celui qui nous intéresse le plus vivement.

Entrons donc tout d’un coup dans une de ces sociétés qu’on appelle (peut-être prématurément) des peuples civilisés. S’ils n’ont pas encore atteint toute la civilisation dont l’homme est capable, et toute la tranquillité elle bien-être qu’elle peut lui procurer, du moins c’est la civilisation la plus avancée où il soit parvenu jusqu’à présent, et la seule dont nous puissions raisonner.

Nous n’apercevons au premier abord chez les peuples civilisés qu’un amas confus d’êtres humains habillés de différents costumes, munis de divers instruments, allant de côté et d’autre, ou s’agitant sans changer de place. Si nous parvenons à pénétrer le but de leurs pensées et de leurs actions, nous découvrons que le plus grand nombre d’entre eux a pour objet de subsister et de faire subsister leurs familles avec plus ou moins de jouissance.

Commentées individus et ces familles subsistent-ils ? En consommant les choses capables de soutenir la vie ou de contribuer à son agrément.

Voulant pousser notre investigation plus loin, nous cherchons a savoir comment ils s’y prennent pour se procurer les choses nécessaires a leur existence ou à leurs plaisirs. Les uns ravissent-ils aux autres les biens dont ceux-ci sont en possession ? Sans doute il en est quelques-uns qui emploient la ruse ou la force pour dépouiller leurs concitoyens ; mais dès cet instant même, tous se liguent pour se défendre contre ces voies iniques. Elles ne suffisent qu’à un bien petit nombre d’hommes qui sont repousses par tout le reste, et qui, heureusement, ne forment jamais qu’une bien faible exception. Ce n’est point là que sont les