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Page:Say - Œuvres diverses.djvu/213

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être constatés par des expériences et des observations plus ou moins sûres, plus ou moins incontestables.

Quand nous voulons tirer une conclusion d’un ou de plusieurs faits, il est indispensable de bien connaître la nature des choses relativement aux uns et aux autres. Il faut pouvoir prouver que le fait qu’on donne pour la cause, a réellement produit l’effet qu’on lui attribue, et que la nature de la chose qu’on donne pour un résultat, admettait une semblable influence.

Il ne faut pas ressembler à ce monarque africain qui n’avait jamais vu d’eau glacée. Un capitaine hollandais fit naufrage sur ses côtes, et, parmi les récits qu’il fit de son pays, il raconta au roi que l’eau, dans une certaine saison, y devenait si dure, qu’on marchait sur les rivières à pied sec. Le roi crut que le Hollandais se moquait de lui et voulut le faire pendre. Le pauvre capitaine aurait été pendu, parce que Sa Majesté ne connaissait pas encore toutes les propriétés de l’eau et l’influence du froid. La nature de chaque chose et ses propriétés sont un fait non moins essentiel à connaître qu’un événement, quelque bien constaté qu’il soit.

Croyez-vous qu’il y eût bien des degrés de distance entre cette Majesté noire et l’inquisition de Florence, qui fit mettre Galilée au cachot pour avoir dit que le soleil est immobile dans le ciel et que c’est la terre qui tourne ? Hélas ! que de gens persécutés pour le tort d’avoir eu raison !


Vous ne serez donc pas surpris, Messieurs, du soin que je mettrai à rechercher la nature des choses les plus simples. Mais comme cette nature des choses ne se montre pas toute seule, qu’elle est souvent enveloppée de voiles et de ténèbres dont il faut la dégager, vous ne vous hâterez pas de regarder comme trop évidents et comme trop simples des éléments cependant nécessaires pour l’intelligence des principes les plus importants. Il est des vérités tellement évidentes qu’elles semblent ne devoir pas être énoncées, et l’on repousse plus tard des principes qui n’en sont pourtant que les conséquences nécessaires.

Vous remarquerez que les parties principales de l’économie sociale sont ce qui a rapport aux organes dont la société se sert pour la création, la distribution et la consommation des richesses. Faut-il en être surpris ? La première condition pour tous les corps organisés, c’est de vivre. La société ne peut exister qu’à l’aide de ses moyens d’existence ;