Page:Say - Œuvres diverses.djvu/284

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nons de voir pourquoi leur multiplication même a pu être la cause de la demande qu’on en a faite. Si les désirs de M. de Sismondi étaient exaucés, il y aurait lieu de craindre, au contraire, que l’élévation de leur prix, selon lui si désirable, ne portât un coup funeste à la demande qu’on en ferait. Je suis bien éloigné, comme on voit, de croire avec lui que les savants, par l’accélération qu’ils donnent avec un zèle imprudent à l’adoption de chaque découverte, frappent sans cesse tantôt sur une classe, tantôt sur l’autre, et qu’ils font éprouver à la société entière les souffrances constantes des changements, au lieu du bénéfice des améliorations.

Mais enfin, dira M. de Sismondi, il y a un terme à la possibilité de produire ; et si les produits qui servent à loger, vêtir, instruire et amuser l’homme, peuvent se multiplier indéfiniment, et s’échanger les uns contre les autres, ceux qui le nourrissent et qui sont les plus indispensables, sont bornés par l’étendue du territoire ; ou, du moins, à mesure que l’on est obligé de les faire venir de plus loin, on est obligé de les payer de plus en plus cher ; dès lors, il arrive un point où les revenus qu’il est possible de gagner en produisant sont insuffisants pour mettre un plus haut prix aux denrées alimentaires, et une nouvelle extension de population devient alors impossible. J’en demeure d’accord ; mais, puisque la nature des choses toute seule met graduellement un terme à cette augmentation de production et de population qui est un bien, pourquoi accélérer ce moment ? pourquoi refuser aux nations la jouissance de tout le développement que leur permettent l’intelligence de l’homme et les progrès possibles des arts ?

M. de Sismondi assure que, si les hommes instruits se sont rangés avec Ricardo sous mon étendard, les gens d’affaires ont suivi le sien et celui de M. Malthus. Nous n’avons heureusement d’étendards ni les uns ni les autres ; car, loin d’être des tueurs d’hommes, nous cherchons à les multiplier et à les nourrir. Mais, quand le fait serait vrai, il ne montrerait pas plus de quel côté se trouve la vérité, que le nombre des combattants n’indique de quel côté est le bon droit. Xerxès, avec son million de soldats, avait tort ; et Léonidas, avec ses trois cents Spartiates, avait raison. Chaque fabricant est beaucoup plus intéressé comme producteur à seconder celui qui cherche à faire renchérir son produit, que celui qui cherche à le faire baisser ; mais le publiciste, mais l’homme d’État, doivent être du parti des consommateurs, car les consommateurs sont la nation ; et la nation est d’au-